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Chroniques
Nikolaï Rimski-Korsakov
Садко | Sadko
Étape importante dans l'évolution artistique de Rimski-Korsakov, Sadko réunit les thèmes privilégiés de l'ancien officier de marine – les légendes slaves et l'océan –, accordant une place importante à l'imaginaire, ce ferment original et profond de l'identité russe que ses confrères négligeaient au profit du drame historique. Dans Chroniques de ma vie musicale, il retrace la genèse d'une œuvre qui doit beaucoup à un autre des membres du Groupe des Cinq : « Lors de mes visites chez Moussorgski, nous parlions librement en dehors du contrôle de Balakirev et de Cui. J'étais très heureux quand il me jouait ses œuvres, et il me racontait tous ses projets. Il en avait plus que moi. Un de ses sujets était Sadko, mais il l'avait abandonné depuis longtemps et me le confia. Balakirev approuva et je me mis à l'œuvre ». Donné tout d'abord à son premier poème symphonique et cinquième opus (1867), le nom du chanteur de Novgorod réapparu comme titre de l'opéra-byline qui fut représenté pour la première fois le 27 décembre 1898 – grâce au mécène Marmontov qui possédait un théâtre à Moscou.
Selon son habitude, Rimski-Korsakov collabore au livret confié pour l'occasion à Vladimir Bielski, un spécialiste du Moyen Age et par là-même des chansons de geste évoquant de preux ancêtres. Pour son nouvel ouvrage, le compositeur signale l'utilisation originale du récitatif épique, plus proche de la récitation légèrement chantante que du style parlé, qui « colore tout l'opéra des caractéristiques de la légende nationale qui ne peuvent être appréciées et reconnues que par un Russe ». Grâce à la direction suave de Valery Gergiev, à la fluidité des cordes de l'Orchestre du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, la couleur est justement au rendez-vous de cette production de 1994, à la mise en scène agréable signée Alexei Stepaniuk.
Avant celui de Novgorod, découvrons le gouslar (barde) de Kiev. Le rôle est confié à Larissa Diadkova, vrai contralto d'une belle couleur et à la ligne de chant des plus stables. Sadko arrive ensuite, sous les traits d'un Vladimir Galusin à son apogée, juste avant sa carrière occidentale : le chant est vaillant avec des attaques parfaitement nettes, le timbre clair, le phrasé souple. Il y perce quelque chose d'enfantin, comme de pas éduqué. Charismatique, Valentina Tsidipova s'impose en princesse des mers, avec une couleur chaude, de la nuance (la berceuse finale) et des attaques délicates. Incarnant la femme du héros, Marianna Tarassova sait être émouvante par la seule expression d'une voix qui ne manque pas de qualités : timbre très rond, impact efficace, grave corsé. Les marchands successifs séduisent : Bulat Minielkiev aux graves profonds, Gegam Grigorian au legato sublime, Alexander Gergalov efficace et fiable. Signalons enfin un chœur énergique qui sait être précis.
SM